Drogue, pétrole, immigration : pourquoi les États-Unis se sont engagés dans un conflit avec le Venezuela
Au fil des mois, le Venezuela s’est imposé comme l’un des théâtres centraux de la politique étrangère de Donald Trump. Officiellement, il s’agit pour les États-Unis de lutter contre le narcotrafic et de contenir un régime qualifié d’illégitime. En coulisses, selon une longue enquête publiée par le New York Times, la trajectoire est bien plus complexe : elle mêle calculs électoraux, obsession migratoire et bataille pour le contrôle des ressources pétrolières.
Selon le média américain, qui s’est appuyé sur des témoignages anonymes de hauts gradés de l’armée et de membres de l’administration Trump, tout s’est accéléré au printemps, lorsque le président s’est interrogé sur l’attitude à adopter face à Caracas. Sous pression d’élus, il a envisagé de durcir le ton tout en hésitant à sacrifier la présence de Chevron, dernier acteur américain encore implanté dans l’industrie pétrolière vénézuélienne.
Autour de la table, Marco Rubio a plaidé pour une démonstration de force contre Nicolás Maduro, tandis que Stephen Miller a poussé une logique sécuritaire globale : frapper les réseaux criminels d’Amérique latine et, à terme, justifier une politique migratoire encore plus radicale.
Le récit de la Maison Blanche
Ces deux fils distincts ont fini par se rejoindre. En juillet, Donald Trump signe discrètement une directive autorisant des opérations militaires contre des groupes qualifiés de « narcoterroristes ». Si le texte évoque l’ensemble du continent, l’essentiel de la puissance navale américaine se concentre rapidement au large du Venezuela. Les frappes contre des embarcations soupçonnées de transporter de la drogue se multiplient, provoquant des dizaines de morts et suscitant de vives critiques chez les juristes et les défenseurs du droit international.
Parallèlement, la Maison-Blanche construit un récit assimilant le pouvoir vénézuélien à une organisation criminelle. Rubio présente Maduro comme un « chef de cartel », tandis que l’exécutif tente de réactiver des dispositifs juridiques hérités du XVIIIᵉ siècle pour accélérer l’expulsion de migrants vénézuéliens. La frontière entre politique étrangère et agenda intérieur devient de plus en plus floue.
Le dossier pétrolier joue un rôle clé dans cette escalade. Après avoir laissé expirer la licence de Chevron, Trump la rétablit finalement, inquiet de voir la Chine rafler les actifs abandonnés. Mais ce geste n’apaise pas la confrontation : dans le même temps, Washington engage la saisie de pétroliers et impose une pression économique qui asphyxie l’industrie vénézuélienne.
Cette stratégie, conduite dans un cercle restreint et souvent à l’écart des procédures habituelles, marque un tournant. Pour ses détracteurs, elle s’apparente à une diplomatie basée sur la menace et la force. Pour l’administration Trump, elle constitue un levier supplémentaire pour affaiblir Maduro et afficher une posture de fermeté, quitte à rapprocher dangereusement les États-Unis d’un conflit ouvert avec le Venezuela.

