Aux États-Unis, la déprogrammation d’une émission phare de la télé relance le débat sur la liberté d’expression sous Trump
Pourquoi un reportage documentaire qui était programmé depuis plusieurs jours a-t-il été subitement retiré de la liste de diffusion ? Dimanche soir, quelques heures avant sa diffusion, le magazine emblématique de CBS, 60 Minutes, a annoncé le report d’un reportage consacré au Centre de confinement du terrorisme, la prison de haute sécurité du Salvador plus connue sous son acronyme espagnol, CECOT. Le sujet devait s’intéresser aux migrants expulsés des États-Unis sous l’administration Trump et incarcérés dans ce complexe carcéral ultra-médiatisé. Il sera finalement diffusé « ultérieurement », a promis la chaîne.
pic.twitter.com/JLbIdtUvY5— 60 Minutes (@60Minutes) December 21, 2025
Dans un bref communiqué, l’émission a indiqué que sa grille avait été modifiée et que le reportage intitulé « Inside CECOT » nécessitait encore du travail. Selon CBS News, des éléments supplémentaires devaient être vérifiés ou complétés avant diffusion. Aucune nouvelle date n’a été communiquée.
Le sujet est particulièrement sensible. En mars, 238 hommes ont été expulsés vers le Salvador, l’administration Trump affirmant qu’ils étaient liés au gang vénézuélien Tren de Aragua. Pour organiser ces expulsions, Donald Trump s’est appuyé sur sa relation étroite avec le président salvadorien Nayib Bukele, dont la politique sécuritaire repose notamment sur l’incarcération massive dans des prisons géantes. L’ancien président américain avait publiquement salué l’efficacité du système pénitentiaire salvadorien, vantant une coopération destinée, selon lui, à expulser des criminels entrés illégalement aux États-Unis.
75 % des expulsés n’avaient aucun casier
Mais l’enquête de « 60 Minutes » dresse un tout autre tableau. D’après les conclusions du reportage, près de trois quarts des hommes envoyés au CECOT n’avaient aucun casier judiciaire. Un peu plus d’un cinquième présentaient des antécédents, majoritairement pour des délits non violents, tandis que la situation pénale du reste du groupe demeurait floue. L’affaire de Kilmar Abrego Garcia, un père de famille vivant dans le Maryland, a cristallisé la polémique : Washington a reconnu l’avoir expulsé par erreur administrative avant de le faire revenir aux États-Unis quelques mois plus tard.
BREAKING: CBS just pulled its own 60 Minutes report exposing torture at El Salvador’s CECOT prison, a facility where Venezuelans were secretly sent instead of deported.
Bari Weiss now runs CBS.
Watch what they didn’t want you to see. pic.twitter.com/OfIuyjxoiR— Brian Allen (@allenanalysis) December 21, 2025
Le report du sujet intervient dans un contexte politique et médiatique tendu. Quelques jours plus tôt, Donald Trump avait évoqué lors d’un meeting sa relation avec les nouveaux propriétaires de CBS, la famille Ellison, tout en se plaignant du traitement que lui réserve « 60 Minutes ». Il a également multiplié les signaux de soutien à la nouvelle direction éditoriale de CBS News, désormais pilotée par Bari Weiss, nommée à l’automne.
Les relations entre Trump et « 60 Minutes » sont de longue date conflictuelles. L’ancien président accuse l’émission d’hostilité chronique, notamment après une interview de Kamala Harris diffusée en 2024, qu’il estime avoir été montée de manière partiale. Cette séquence avait débouché sur une procédure judiciaire conclue par un accord financier avec la maison mère de CBS. Depuis, la chaîne a diffusé une longue interview de Trump, tout en écartant certains échanges jugés trop conflictuels.

