Affaire Jeffrey Epstein : un juge lève le secret sur une partie de la seule procédure menée contre le prédateur sexuel
C’est peut-être une partie de la clé, la clé de champs, celle qui a permis à Jeffrey Epstein d’échapper à de réelles poursuites et de continuer à faire des victimes jusqu’à son arrestation fracassante en 2019, et son suicide en prison. En 2008 en Floride, le riche New Yorkais était condamné à treize mois de prison pour sollicitation de prostitution et autorisé à se rendre à son bureau six jours par semaine.
L’enquête qui avait été menée pendant plusieurs années avait pourtant abouti à une somme importante de témoignages de jeunes femmes. Toutes racontaient un même processus : après avoir été abordées alors qu’elles étaient mineures pour prodiguer, à Epstein ou sa compagne Ghislaine Maxwell, des massages ambigus ou des relations sexuelles, en échange de quelques centaines de dollars, elles pouvaient augmenter leur « salaire » en recrutant à leur tour des jeunes filles. De quoi poursuivre Epstein pour avoir organisé un vaste de réseau de prostitution d’enfants et lui faire encourir la prison à perpétuité.
En août 2006, un grand jury n’avait retenu qu’une seule accusation criminelle, la sollicitation de prostituées, pour laquelle Epstein n’avait pas été inculpé. En 2008, Epstein, qui n’est plus au faîte de sa gloire mondaine, et les procureurs fédéraux de Floride avaient négocié un accord de non-poursuite, aboutissant à la reconnaissance de culpabilité d’Epstein devant un tribunal d’État pour « racolage » de deux jeunes filles. L’enquête fédérale avait pourtant identifié 36 victimes mineures. L’accord le protégeait d’autres poursuites ultérieures, ainsi que toute personne qui aurait pu être son complice.
Une décision attendue
Le juge de district américain Rodney Smith – nommé par Donald Trump en 2019 – a estimé vendredi que la loi Epstein sur la transparence, promulguée le 19 novembre après des mois de polémique, « prime » sur les règles fédérales interdisant la divulgation publique des documents du grand jury.
« La loi s’applique aux dossiers, documents, communications et éléments d’enquête non classifiés relatifs à Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell », a écrit le juge Smith dans son ordonnance. « Par conséquent, le texte plus récent et plus précis de la loi prévaut sur l’interdiction de divulgation prévue par la règle 6. En conséquence, il est ORDONNÉ que la requête accélérée des États-Unis visant à lever le scellé sur les transcriptions du grand jury et à modifier l’ordonnance de protection soit ACCORDÉE. » Deux juges new-yorkais doivent rendre leur décision la semaine prochaine.
L’ordonnance du juge Smith ne prévoit pas de caviardage des documents afin de protéger la vie privée des victimes d’Epstein. Il appartiendra au ministère de la Justice d’effectuer ces caviardages, comme les responsables de l’administration s’y sont engagés avant la divulgation des documents au public.
Deux noms passés sous silence
La loi Epstein sur la transparence prévoit plusieurs exceptions permettant au ministère de la Justice de retenir ou de caviarder certains documents, notamment ceux susceptibles de permettre l’identification des victimes ou constituant une atteinte manifestement injustifiée à la vie privée.
Si des victimes et témoins ont exhorté la justice américaine à faire toute la lumière sur les documents encore non publiés, deux hommes, notamment, ont demandé que leur nom soit passé sous silence. L’un est un témoin potentiel du procès Maxwell qui n’a finalement pas été appelé à la barre alors que Ghislaine Maxwell a été condamnée à 20 ans de réclusion. L’autre, dont le nom figurait dans les dossiers judiciaires d’un litige civil contre Maxwell, avait réussi à faire occulter son nom lorsque ces dossiers ont été descellés.

